Le métier d’hygiéniste bucco-dentaire est encore relativement récent. Les premières collaborations avec les dentistes sont aujourd’hui devenues une réalité. Comment cette collaboration se déroule-t-elle ? Qu’en pensent les patients et comment se présente l’avenir des hygiénistes bucco-dentaires ? Nous avons posé ces questions à l’hygiéniste bucco-dentaire Isabelle Mertens.
Qui est Isabelle Mertens ?*Hygiéniste bucco-dentaire et directrice locale auprès de Tand- en Mondzorg Geel
*Ancienne présidente et membre actuelle du Conseil d’administration de BBM, l’Association belge professionnelle des hygiénistes bucco-dentaires
*Déléguée au sein des Fédérations internationale et européenne des hygiénistes dentaires
Quel est l’objectif de la nouvelle profession d’« hygiéniste bucco-dentaire » ?
Pour Isabelle, l’objectif majeur de cette nouvelle profession est de permettre aux patients les plus vulnérables de bénéficier de soins bucco-dentaires préventifs et aussi de servir d’intermédiaire entre le patient et le dentiste, d’une part, et entre le patient et les autres professions paramédicales, d’autre part. « La coopération est bien entendu plus étroite avec le dentiste, mais les hygiénistes bucco-dentaires collaborent également avec d’autres professions, notamment des tabacologues, des diététicien(ne)s et des kinésithérapeutes. Ce métier met donc l’accent sur l’aspect multidisciplinaire des soins bucco-dentaires. »
La profession d’hygiéniste bucco-dentaire attire-t-elle surtout les femmes ?
Le Conseil d’administration de BBM est majoritairement composé de femmes et d’un seul homme. Cela reflète-t-il la réalité du terrain ?
Selon Isabelle, il s’agit plutôt d’une coïncidence que le Conseil d’administration de BBM soit quasi entièrement féminin mais, en termes de pourcentage, cela reflète effectivement la réalité du terrain. Isabelle : « La profession d’hygiéniste bucco-dentaire n’est pas nécessairement un métier de femme et ne doit certainement pas le devenir. Cela dit, il est dommage qu’il attire principalement des femmes et moins les hommes, même si nous constatons une évolution à ce niveau. »
Comment s’y prend BBM pour promouvoir la valeur ajoutée des hygiénistes bucco-dentaires auprès des dentistes et des patients ?
« Avant tout, informer et chercher à établir une bonne coopération. La prévention mérite toute l’attention et plus de temps que ce que les professions de la dentisterie n’ont jamais pu lui accorder dans leur charge de travail actuelle. Il s’agit d’une nouveauté pour tout le monde. Nous sommes donc des pionniers. Nous recherchons dans différents contextes (également en dehors du cabinet) ce qui fonctionne le mieux, car il n’y a pas qu’une seule façon de travailler. BBM exerce à présent ses activités depuis trois ans, impossible de faire des miracles à ce stade. Toutefois, nous recevons actuellement des réactions positives de la part des dentistes et des patients. »
BBM est donc l’interlocuteur à qui s’adresser pour obtenir des informations et des conseils. Qui plus est, ces informations sont non seulement disponibles pour les hygiénistes bucco-dentaires et les dentistes, mais aussi pour les patients via le site en néerlandais demondhygienist.be. Il est en effet important d’informer et de sensibiliser ce groupe.
Comment le patient réagit-il dans le cadre du contact avec l’hygiéniste bucco-dentaire ?
Il convient tout d’abord de tout lui expliquer clairement, dit Isabelle. « Je dis toujours : je suis hygiéniste bucco-dentaire et je travaille en collaboration avec votre dentiste qui vous connaît depuis des années. Mon travail est uniquement préventif. Je ne pose donc pas de plombage en cas de caries et je n’arrache pas de dents. Cette phrase instaure la confiance (coopération avec le dentiste) et rassure (l’hygiéniste bucco-dentaire n’effectue pas d’interventions qui font mal). »
Isabelle explique également que le dentiste reste responsable du diagnostic. Si certains problèmes sont constatés, le dentiste prend le relais. En l’absence de problème, l’hygiéniste bucco-dentaire peut parfaitement suivre le patient en lui proposant, notamment, un nettoyage, des conseils pour corriger son brossage et aborder avec lui d’autres problématiques liées à l’alimentation, aux habitudes tabagiques, etc.
« Donner ces explications prend du temps et vous devez sans cesse vous répéter auprès de chaque patient, mais cela porte ses fruits. Nous devons oser mettre en avant notre profession dans l’offre des soins proposés. »
Les cabinets dentaires encouragent-ils la collaboration avec les hygiénistes bucco-dentaires ?
« Le dentiste qui entame une collaboration avec un hygiéniste bucco-dentaire a un rôle important, car il doit lui aussi expliquer correctement cette coopération à ses patients », pense Isabelle.
Dans la pratique, les hygiénistes bucco-dentaires ont souvent une place sur les sites web des cabinets dentaire où ils travaillent. Il est également important d’y décrire brièvement la profession, car c’est à cet endroit que les patients viennent chercher des informations et lisent des articles à ce sujet. Comme tous les patients n’utilisent pas les canaux numériques, des dépliants et présentoirs spécifiques sont souvent présents dans la salle d’attente.
Isabelle : « Le grand nombre d’offres d’emploi publiées sur notre site web en dit long aussi sur la coopération souhaitée.
Comment se passe la collaboration avec les assistants dentaires ?
Cette coopération se déroule de façon harmonieuse, selon Isabelle. Chacun connaît ses tâches et la limite est également très claire, à savoir la bouche du patient.
Isabelle : « La mission primordiale des assistants est d’apporter leur soutien et de faire tourner le cabinet. Ne sous-estimez pas ces tâches, car c’est un travail qui demande beaucoup d’énergie. Le fait qu’un grand nombre d’hygiénistes bucco-dentaires ont également été assistants dans le cadre d’une formation antérieure aide aussi. Cela permet une belle collaboration et un respect mutuel. »
La pandémie de COVID a-t-elle fait progresser la profession d’hygiéniste bucco-dentaire ?
« Les délais étaient déjà conséquents avant la pandémie et ils se sont encore allongés. La prévention en a certainement souffert. Cela dit, la demande et le besoin d’un nouveau professionnel de la santé existaient déjà avant la pandémie. Au début des années 2000, des avis à ce sujet étaient déjà rédigés », indique Isabelle.
Selon elle, la profession d’hygiéniste bucco-dentaire n’est pas l’unique clé pour résorber les délais d’attente, mais peut être une grande partie de la solution : « Pour l’instant, la solution n’est pas encore tout à fait prête, car il n’y a pas encore assez d’hygiénistes bucco-dentaires (239) mais ces prochaines années, leur nombre augmentera de façon exponentielle, car les diplômés en hygiène bucco-dentaire sortiront de 4 écoles (au lieu de 2 actuellement). »
« Il y a une grande demande de collaboration de la part des cabinets dentaires pour que la prévention ne soit pas diluée, car il n’est pas normal qu’un patient doive attendre jusqu’à 6 mois pour un contrôle préventif » explique Isabelle.
Les hygiénistes bucco-dentaires fonctionnent-ils déjà avec le numérique ?
« Nous participons au dossier numérique du dentiste, mais nous n’avons actuellement pas accès au portail eHealth, car nous n’avons pas de certificat personnel eHealth. Une adaptation de la législation devrait permettre d’aller plus loin dans ce domaine, mais nous sommes déjà contents de pouvoir travailler dans le même dossier que le dentiste.
Depuis juillet, nous pouvons demander notre numéro INAMI. Il s’agit d’un grand pas en avant dans la bonne direction » conclut Isabelle.
Dernière question : quelle tâche du métier d’hygiéniste bucco-dentaire vous plaît le plus ou relève le plus du défi selon vous ?
Choisir, c’est renoncer, dit Isabelle, mais selon elle, le principal défi est l’entretien avec le patient : « Il a souvent été mentionné dans la formation et il est en effet très important d’obtenir des changements positifs en termes de brossage, d’alimentation et d’arrêt tabagique pour parvenir à une bonne santé bucco-dentaire. Par le biais d’un entretien motivant avec le patient, nous essayons d’enrayer les mauvaises habitudes et de chercher une solution. C’est ainsi que nous apprenons à connaître le patient, que nous essayons d’établir une relation de confiance et que nous nous efforçons, ensemble, de parvenir à une bonne hygiène bucco-dentaire. L’entretien est très important ici, car tout le reste est assez technique. »
Isabelle indique que cette conversation et la prévention sont aussi un souhait des dentistes, mais qu’il leur faudrait du temps qu’ils n’ont tout simplement pas. L’hygiéniste bucco-dentaire est et doit être un allié important à cet égard. Cet entretien demande de la psychologie, mais c’est extrêmement satisfaisant lorsque le patient adhère à nos propositions et suit nos conseils dans sa vie quotidienne.
Isabelle considère qu’investir du temps dans son patient ainsi qu’une bonne politique de prévention constituent la grande valeur ajoutée des hygiénistes bucco-dentaires.
À partir du 1er octobre : nomenclature des traitements effectués par les hygiénistes bucco-dentaires
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